Prendre le temps de préparer son transfert

C’est pas le bon moment !

On a encore du temps devant nous !

J’ai entendu ces commentaires à plusieurs reprises de la bouche d’entrepreneurs bien intentionnés. Il m’apparaît donc important de mettre en lumière quelques impacts non négligeables à repousser les discussions sur la continuité de son entreprise.

Les entrepreneurs doivent réaliser que le fait de ne pas prendre de décisions quant à l’avenir de leur entreprise, c’est en fait prendre une décision! Celle de mettre en danger ce qu’ils ont bâti. Puis, vivre un stress bien plus intense que celui de travailler à son rythme à la mise en place d’un plan de continuité, étape par étape, tout en douceur et en harmonie.

Raisons et causes

La pratique m’a permis de constater que chez le cédant qui a longuement attendu avant d’entamer sa réflexion et d’amorcer les étapes, plusieurs raisons ressortent.

Le manque de temps, surtout chez les entrepreneurs hyperactifs qui sautent d’un projet à l’autre sans jamais prendre un moment d’arrêt pour évaluer leur rentabilité, leur satisfaction à faire ce qu’ils font et ce qui devient urgent dans l’entreprise. Ils sont toujours très occupés, c’est indéniable, mais sont-ils occupés à faire les bonnes choses, des choses à valeur ajoutée comme construire un plan de continuité rassurant?

Ils ne savent pas par où commencer la réflexion sur le transfert de leur entreprise. Ou ne choisissent pas les bonnes ressources pour les aider. Ils ont donc l’impression qu’ils tournent en rond quant à ces questions et qu’aucun plan rassurant n’en ressort.

Les producteurs considèrent qu’ils ont gaspillé leur argent et leur précieux temps. Il faut partager la responsabilité de planifier le futur de son entreprise avec des conseillers qui ont déjà accompagné plusieurs entrepreneurs en situation de transfert.

La peur de s’ennuyer s’ils se retrouvent à la retraite. Si vos relations sont bonnes avec les successeurs et que vous avez délégué le pouvoir (ils ont besoin de se réaliser eux aussi), alors pourquoi voudraient-ils vous voir quitter définitivement l’entreprise?

Si vous êtes invité à le faire, vous pourriez continuer à offrir quelques services à l’entreprise, à servir de conseiller spécial. Il faut que vous ayez semé des graines d’harmonie, de respect et de lâcher-prise pour qu’on vous invite à rester!

La peur de perdre son identité d’entrepreneur à succès souvent présente chez les entrepreneurs qui n’ont pas développé d’intérêts dans des activités autres que celles de leur entreprise.

La peur que le processus de transfert ne soit pas perçu comme équitable parmi tous les membres de la famille.

La peur de créer des conflits, particulièrement si plus d’un enfant souhaite prendre le leadership de l’entreprise.

Si on attend trop longtemps…

  • Perdre sa relève ou ses acheteurs : ils iront réaliser leurs rêves ailleurssiles prédécesseursne démontrentpas d’intérêtface à leur volonté departiciper à la continuité.
  • L’ambiguïté autour de la continuité de l’entreprise peut mener à un contexte conflictuel entre le prédécesseur, ses relèves et ses associés et ainsi augmenter le stress inutile.
  • Perdre l’harmonie familiale en refusant d’avoir une conversation claire quant à ses intentions de transférer à ses enfants intéressés par la continuité.
  • Mettre la viabilité de l’entreprise en péril si un événement subit arrive (maladie grave, décès)

Peurs et évitement

Parlons de cette peur qui provoque l’immobilisme et l’évitement chez certains chefs d’entreprise familiale. Il est important de réaliser que de parler ou non de sujets délicats (que ce soit de sa planification successorale, du choix de son remplaçant ou de la venue ou non de ses belles-filles et gendres dans l’entreprise, etc.). Il y aura forcément des grincements de dents ou des orages électriques!

On ne peut plaire à tous. Si l’on décide de ne pas l’adresser, il y aura conflit en raison du flou créé par l’absence de plan.

Le flou entraîne le flou!

Un jour, il faudra bien transférer votre entreprise ou la vendre! Vous savez pourquoi? Parce que nous ne sommes pas immortels.

Deux choix s’offrent à vous pour planifier la continuité de votre entreprise:

  1. Transférer de façon involontaire en situation de maladie, décès, crises, et même à l’extrême, de faillite. Dans ce cas, vous êtes certain de ne pas avoir le contrôle sur la situation!
  2. Transférer de façon volontaire en choisissant ses acheteurs ou sa relève et le rythme de transfert, en répondant aux préoccupations au fur et à mesure et en alimentant d’autres intérêts que le travail et le stress qui l’accompagne souvent.

Que préférez-vous entre ces deux choix?

Qui est la source de votre entreprise?

C’est en 2010 que j’entends parler des principes source que son initiateur, Peter Koenig, a découverts au fil de ses nombreuses années d’expérience et d’observation auprès de ses clients.

Ces principes décrivent les dynamiques de pouvoir, d’autorité, de responsabilité, de collaboration et de prise de décision réelles derrière les rôles officiels dans les entreprises.

Peter me disait récemment en toute humilité qu’il n’a rien inventé puisque les principes source étaient déjà là. Il les a découverts, observés, nommés et semés à tout vent.

Quand ces principes sont suivis instinctivement ou consciemment, tous les processus de l’organisation se déroulent facilement et naturellement. Et ce, que l’entreprise soit grande ou petite.

Il est important d’identifier dans une entreprise, dans un projet, dans une équipe qui est cette source, celle qui facilite l’opérationnalisation de la vision, des valeurs, des projets et la fluidité de l’information indispensable au bon déroulement des activités de l’entreprise ou d’un projet. Malheureusement, ce concept est peu connu, donc la source est rarement reconnue en entreprise.

La source : de quoi s’agit-il au juste ?

La source, c’est un rôle. Le fondateur ou la fondatrice à l’origine d’une entreprise est toujours la source. La source globale. Mais au fil des ans, ce fondateur pourrait ne plus être la source de l’entreprise, entre autres lorsqu’un bon plan de transfert d’entreprise a été mis en place.

Ce rôle est tenu par une personne qui a la capacité de sentir naturellement ce qui doit être fait et de le communiquer avec clarté, ce qui fait dire à ses collaborateurs : « Ah ! C’est clair ! Ça a du sens ! Allons-y ! ». C’est un rôle d’éclaireur, d’aiguilleur.

La source, c’est une personne, pas deux, pas trois. Elle ne s’implique pas (idéalement) ou peu dans les opérations. Elle reçoit la vision et les idées pour tout ce qui ne cesse jamais de jaillir dans l’entreprise. La source décide de la prochaine étape pour l’ensemble, la communique et donne ainsi la direction à suivre. Elle est au service du projet et de l’entreprise, pas de son égo.

La source globale reçoit l’idée, la vision et l’essence de ce qu’il faut faire, et c’est là où elle est la meilleure. Pas nécessairement dans l’exécution. Pour ce faire, elle aura besoin de collaborateurs, d’aidants ou sources spécifiques. La source est dépendante des sources spécifiques de l’entreprise. Parce qu’elle n’est pas compétente dans tout ! Elle doit faire confiance aux autres.

Un exemple pour mieux comprendre

Prenons un exemple concret pour exposer ces rôles. Sur une ferme laitière, après un atelier sur les principes source, l’équipe a réalisé que la source globale est une jeune relève responsable de la régie du troupeau. Ce n’est ni le père ni la mère qui, eux, ont accepté ce fait en laissant leur égo ne pas intervenir dans ce constat.

Tous avaient remarqué que lorsque la source donne son opinion sur une vache, sur la solution du vétérinaire, une acquisition ou tout autre sujet, les gens arrêtent de parler pour l’écouter. C’était naturel !

Les sources spécifiques (le père, la mère, le frère et un employé-clé) ne peuvent faire un bon travail que lorsqu’elles ont compris le sens de ce qui doit être fait, c’est-à-dire après avoir senti la clarté dans les propos de la source globale de l’entreprise.

Les sources spécifiques peuvent aussi avoir de bonnes idées créatives, mais celles-ci doivent être cohérentes avec l’intuition de la source globale sinon dilution ou confusion s’installera dans l’exécution.

TROIS CARACTÉRISTIQUES DE LA SOURCE

  1. Elle a du flair

Elle est inspirée au-delà de la raison, elle a des idées et elle sait où elle s’en va. C’est comme si elle avait un GPS à l’intérieur d’elle-même pour trouver la route.

2. Elle est souvent dans le doute.

Le doute l’habite toujours avant d’atteindre la clarté. Ses idées jaillissent souvent sans objectif clair, comme une création à l’état pur, comme quelque chose de nouveau. Ses propos ne deviennent clairs que lorsqu’elle a fini sa période trouble d’incertitude quant au chemin à prendre avec le problème ou l’opportunité en question.

3. Elle prend des risques.

Si la source est le chef de l’entreprise, ces risques peuvent être financiers. Quand la source n’est pas le propriétaire de l’entreprise, elle prend quand même des risques. Elle ose exprimer ce qui est senti et clair pour elle, au risque de déplaire.

Lorsque la source prend des risques bien sentis, elle pourrait toutefois entendre ceci de son entourage : « tu es fou/folle ! Ça ne marchera pas ! ». Mais comme elle a la clarté sur ses idées, la source fonce pour le plus grand bien d’une entreprise.

En conclusion

Le contrôle que doit exercer la source globale est dynamique et constant. Elle sait ce qui convient et ce qui ne convient pas parmi les idées de toute l’équipe. La source doit éviter le chaos.

La création et la prise de décision appartiennent à la source globale et pourraient être appelées « stratégies » alors que l’action est prise par les sources spécifiques et pourrait être appelée « opérations ».

Alors, qui est la personne source de votre entreprise ?

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Je suis Martine Deschamps, Conseillère sénior en gestion de la relève et dynamique entreprises familiales, conférencière et auteure du livre Planifier sa retraite ou sa relève… ça ne fait pas mourir !

Prochains ateliers :

Québec : 9 juin – Atelier d’exploration des principes sources dans les différentes sources de votre vie

Belgique : 5 mai – Atelier sur la transmission d’entreprise

Pour en savoir plus :

Courriel à mdeschamps@syneraction.ca

Ou via la messagerie LinkedIn

L’ÉCOUTE, un art oublié

Cela vous arrive-t-il d’entendre sans écouter?

Moi cela m’arrive, particulièrement lorsque je suis fatiguée, préoccupée par quelque chose ou stressée.

J’entends mon interlocuteur me parler. Je prête attention à une phrase qu’il prononce sur deux. J’entends des sons sortir de sa bouche. Je vois bien que ses lèvres bougent. Je hoche la tête de temps à autre pour démontrer que je tente de suivre la conversation.

Mais, véritablement, je ne l’écoute pas, car mes pensées sont ailleurs.

Et soudainement je l’entends me dire : « et bien, tu m’écoutes ou quoi? »

Écouter, véritablement, demande une grande présence à soi et de rester centré.e sur l’autre.

Pas simple.

Écouter, véritablement, est un art.  Le 11ème? Il me semble qu’il y en a déjà 10.

Cela vous arrive-t-il d’écouter, mais en interrompant à plusieurs reprises votre interlocuteur, prêt.e à rebondir à ce qu’il/elle dit à la moindre occasion?

Notre interlocuteur commence une phrase. Nous ne le laissons pas finir, trop pressé.e d’amener notre point, voire de le contredire.

Au lieu de rester centré.e sur lui/elle, volontairement ou non, en l’interrompant, nous ramenons l’attention sur nous.

Or, écouter, véritablement, ce n’est pas cela.

Écouter, c’est se mettre en position d’accueillir le point de vue de l’autre. Pas pour lui répondre ou réagir à ses propos. Mais pour le comprendre.

L’écoute pour comprendre s’appelle l’écoute active. Je l’appelle : le 11ème art

Dans les groupes, les familles et les entreprises qui pratiquent l’écoute active, voici ce qui se passe : Lorsqu’une personne prend la parole, les autres s’engagent à l’écouter sans l’interrompre et, pendant qu’ils écoutent, ils font deux choses, c’est en cela que l’écoute est « active » :

  1.  Ils prêtent attention à leurs pensées : si les pensées les ramènent vers eux-mêmes, ils les chassent rapidement pour recentrer leur écoute sur leur interlocuteur.
  2.  Ils préparent des questions d’éclaircissement ou d’amplification qu’ils poseront si besoin lorsque leur interlocuteur aura terminé de partager son point.

Pas simple.

Pas si compliqué non plus…avec de la pratique ET l’intention d’écouter vraiment.

L’écoute active préserve l’harmonie des familles, la cohésion des équipes et facilite la réussite des processus de transfert.

Personne ne peut la négliger ni s’en passer. Nous en avons tous besoin.

Voici un exemple concret.

Je vous présente Bob et Sam .

Bob est un entrepreneur agricole et Sam est un de ces employés-clé, repreneur potentiel de la ferme.

Ils échangent à propos de l’heure de la traite. Ils ne sont pas d’accord entre eux. Bob est intransigeant : il faut faire la traite tous les matins exactement à la même heure, ce n’est pas négociable.

Il reproche à Sam de commencer un jour à 6h, le lendemain à 6h15, le surlendemain à 6h45, c’est incroyable ce manque de respect des horaires!

Voici un exemple de ce que Sam pourrait répondre, selon qu’il est en mode écoute pour répondre (écoute classique), ou écoute pour comprendre (écoute active et 11ème art) :

 Écoute classique – pour répondre : Bob, t’es trop rigide sur les horaires, quand c’est moi qui fais la traite, qu’est-ce que ça change pour toi si je commence 15 minutes plus tard?

Sam pense que Bob est « vieux jeu », un peu rigide, borné et manque de souplesse.

 Écoute active : Bob, j’entends que pour toi c’est primordial de commencer la traite tous les matins exactement à la même heure. Explique-moi : En quoi c’est primordial? C’est primordial pour qui? Les vaches? Ceux qui font la traite? Quels bénéfices tu as remarqué que ça apporte sur la ferme? Quel impact ça a si on a du jeu de 15 minutes plus tôt ou plus tard?

Bob lui explique alors l’impact sur la rentabilité de la ferme. Avec Liz, sa femme, au fil des ans, ils ont analysé qu’en respectant cette routine horaire, les vaches produisaient plus de lait et de meilleure qualité.

 L’écoute active rassemble. Elle nourrit les liens relationnels et permet la compréhension mutuelle.

 Il est urgent de l’utiliser au sein de nos équipes, à la maison, avec nos partenaires, collaborateurs et employés.

Chers repreneurs, je vous invite à écouter les cédants avec l’oreille de cet art oublié!